L'histoire de la cristallerie de Portieux

Quelques vues de notre Ecomusée : 160 m2 d'histoire

Où se trouve Portieux ?

La verrerie de Portieux tiens son nom de sa commune où elle exerce son activité.

La commune est aujourd’hui divisée en deux parties : Portieux , et la Verrerie de Portieux (située à 3km) . Portieux se situe dans le département des Vosges et la région Lorraine . Elle se trouve en plein cœur de la forêt de Charmes qui lui fournissait le bois nécessaire à l’alimentation des fours, ainsi que la fougère pour le salin.

L’emplacement idéal .

En effet, on y trouvait les matières premières nécessaires à la fabrication du verre : bois, eau, sable. Mais surtout, Portieux présentait un avantage stratégique géographique, la commune était proche des grands axes routiers de l’époque.

L’élargissement en 1703 de la route Charmes-Rambervillers constitua un atout supplémentaire.

Il n’y a rien d’étonnant à ce que ce coin de Moselle ait pris le nom de Port, puisque jadis il servait de relais de la navigation et surtout à l’embarcation des bois qui, tirés des immenses forêts de la région, étaient réunis en radeaux dirigés vers Nancy et Metz.

Au plus fort de l’activité de la cristallerie, la commune de Portieux comptait plus de 3000 habitants en 1911, pour ensuite décroître d’année en année (1268 habitants recensés en 2016 ).

La verrerie de Portieux et son histoire

au XVIIIe siècle

Fondée en 1705 par François Magnien, la cristallerie de Portieux voit le jour dans un contexte plus que favorable au développement des verreries.

Les débuts de la verrerie

Il est important de préciser que la Lorraine avait accordé en 1448 toutes sortes de privilèges aux verriers. En effet, les verriers étaient assimilés à la noblesse . Par exemple, les verriers avaient le droit de prélever le bois et l’eau nécessaire à leur production.

Une industrie privilégiée.

C’est en partie grâce à cette dérogation que la Lorraine voit son industrie verrière éclore, sans oublier les matières premières en abondances .

Trois lieux de production

  • En 1710, une usine prend place à 4km de Portieux, où il y fabrique du verre à vitre , on appellera cette usine « verrerie des bois » , par opposition à celle de Portieux, qui est installée au village et qui fabrique des gobelets.
  • En 1714, une troisième verrerie est créée sous la demande du Duc de Lorraine, afin d’y fabriquer des glaces à miroirs ainsi que des des verres ronds pour vitre. Il s’installe en face de la fontaine de Viller sur la rive gauche du Mori, c’est l’emplacement de la cristallerie actuelle.
  • En 1718, la décision est prise de fermer l’usine de Portieux-village et de la fontaine de Viller afin de regrouper l’ensemble sur la nouvelle manufacture. François Magnien reçoit alors 9000 livres du Duc Léopold pour l’agrandissement de la verrerie .

« Léopold, à nos chers et bien aimés les sieurs François Magnien, Joseph Crétal, prévôt de Châtel, François Dordelu, et François Dubois, gentilhomme verrier demeurant à Portieux ... Et, à cet effet, avons par grâce spéciale et en faveur de ladite société, prorogé encore pour vingt années les privilèges par nous accordés, sur ce, audit Magnien ... »

Léopold, Duc de Lorraine, Le 22 juillet 1718

François Magnien obtiendra de nouveaux privilèges pour mener cette nouvelle verrerie française vers le succès.

Le rôle déterminant de François Magnien

D’après les archives de la verrerie , on constate que de 1705 à 1720, François Magnien est très peu présente sur le terrain. Cela peu s’expliquer par sa stratégie de développement : il se devait de trouver des fonds et des appuis auprès du Duc de Lorraine , ce qui en fait n’était déjà pas si mal.

Le travail du verrier de l'époque

Le nouveau centre industriel portera le nom de « Magnienville » , clin d’œil à son créateur. À cette époque, 100 ouvriers travaillent au côté de François Magnien.

On apprend des renseignements intéressants sur les dates et la durée de la “Réveillée”, c’est-à-dire la durée de la campagne de fabrication des verres.

Une année coupée en deux :

Ces ouvriers travaillaient encore comme ceux du  XVIe siècles, c’est-à-dire six mois de travail de novembre à fin avril, quand la température extérieure n’était pas trop élevée, et six mois pour réparer et approvisionner la verrerie.

Les verriers de cette époque étaient des gens rudes, un peu hommes des bois, travaillant nus ou presque.

Première crise pour la verrerie de Portieux

30 années de labeur.

Le 26 décembre 1746, le gouvernement français frappa les verres lorrains d’un droit de douanes sur les ouvrages de verrerie . C’était fermer le marché français aux verriers lorrains, il ne restait que leur pays, bien petit pour une aussi grosse production.

Mais ce n’est pas tout.

La verrerie de Portieux va rencontrer des difficultés économiques pendant près de 30 ans. Elle est contrainte d’éteindre un four par manque de salin, celui-ci étant exporté par la France pour rentrée d’argent jusqu’en 1780.

Douze l’avaient été précédemment dans diverses verreries lorraines, toutes réduisaient leur travail.

« Le salin, qui provient des cendres d'herbes (fougères d'où le nom de verre de fougères) et de bois, est la matière qui entre dans la composition du verre, la beauté du verre dépend singulièrement de la bonne qualité du salin ... »

Pendant une centaine d’années, la verrerie de Portieux s’est développée et a créé une communauté humaine , avec ses maires et son clergé.

Le développement économique s’est fait d’abord dans un contexte de privilège et de monopole, puis dans un contexte de plus en plus concurrentiel.

Mais les règlements, les privilèges, les règles d’exploitation des bois, les droits de douanes, constituaient un ensemble de textes qui conditionnait le travail, règles considérés comme des entraves au libre développement économique.

Portieux, au lendemain de la Révolution Française

L’hiver 1789 fut un des plus terribles de l’histoire.

Le froid, le gel, une crise économique, l’augmentation des prix du pain, entrainant une crise de consommation des produits de l’artisanat français .

La verrerie, considérée comme royale par un arrêt de 1764, perd soudain tous ses privilèges la nuit de la révolution française.

La verrerie doit maintenant acheter son bois, qu’elle exploitait gratuitement jusqu’alors. (Laissant la forêt dans un état pitoyable).

Les communautés villageoises de cette époque appréciaient très modérément les verreries. À Darney, pays de verreries et d’immenses forêts, on s’élevait contre le trop grand nombre d’usines à feu, qui sont cause de la destruction des forêts.

En 1796, Le domaine de Magnienville est acheté par les directeurs qui l’exploitaient auparavant : MM. Lamy et Bour. Une excellente affaire. 28.800 livres pour les onze corps de bâtiments, dont sept servent d’habitation aux propriétaires et ouvriers, et le reste de four, halles et séchoirs.

La verrerie de Portieux au XIXE siècle

Pendant un siècle, la verrerie de Portieux se développe dans les nouvelles conditions créées par la Révolution, la concurrence nationale et internationale est rude et l’usine doit moderniser à plusieurs reprises ses fours et ses halles. Le nombre des ouvriers augmente et le patronat améliore et étend le parc immobilier pour loger ses ouvriers, dont les conditions de travail restent très dures.

Avant la Révolution, il y avait, dans les Vosges, dix-neuf verreries ; la statistique du département n'en compte plus que six en 1802 . Magnienville, disait le préfet des Vosges en 1802, est en pleine activité et conduite par des propriétaires riches et intelligents.

En 1802, la verrerie compte seulement 74 ouvriers.

L'alliance Vallerystal-Portieux

Passant de père (Jacque Mougin, Gendre de Bour), à fils (Édouard), à petit fils (Xavier Mougin), ce dernier va sceller une alliance et un rapprochement en 1871 avec les cristalleries de Vallérysthal (établies en Lorraine des 1707).

En fait, il s’agissait bien d’une vente, car à cette époque, les propriétaires de Portieux avaient autant envie de vendre que Vallérysthal d’acheter.

Cette alliance verrière va permettre de créer une nouvelle dynamique, confrontant idées, techniques, savoir-faire des deux cristalleries. Les capacités de production sont immenses, plus de 2200 ouvriers sont présents.

La guerre de 1870 amènera bien des vicissitudes, comme une énorme Taxe de guerre que doit payer la cristallerie sur le dos de ses salariés, à l’Empereur Prussien.

Mais il y a du bon.

En 1870, Après le traité de Francfort (1871), Nancy devient la porte d’entrée et le premier point d’accueil des Alsaciens-Lorrains qui veulent rester français. Ils vont y apporter leurs capitaux, savoir-faire, main d’oeuvre.

Ainsi, l’exemple réussi de transfert est celui de la cristallerie Daum .

Les années 1870-1914 seront la période d’or des verriers. En passant par René Lalique , Émile Gallé , Antonin Daum , la cristallerie Baccarat , cette période Art déco est inscrite dans la fabuleuse histoire du renouvellement des arts décoratifs.

La verrerie de Portieux va profiter de cette main d’œuvre, et construit des logements ouvriers en 1874. Elle a besoin de main d’œuvre qualifié sur qui elle peut compter. Il faut alors songer à la sédentariser.

Elle emploie plus de 800 personnes en 1886, pour une population recensée de 2428 habitants.

La consécration du travail en 1878. La verrerie de Portieux reçoit une médaille d’or à l’exposition universelle .

Une visite prestigieuse.

En remerciement du formidable accueil reçu lors de sa visite, la Maison Impériale Russe (Grande Duchesse Vladimir) fait un don de 500 frs à la Caisse de Secours des Ouvriers.

La famille Impériale Russe était exclusivement cliente de la cristallerie Baccarat

La transformation de l'usine de Portieux en 1886

En 1886, les rustiques halles, les modestes fours sont remplacés par une magnifique halle mesurant 134 mètres de long sur 21 de large .

Deux machines à vapeur animent la taillerie, chaque ouvrier a sur son tour un robinet d’eau, un robinet de gaz, les salles sont pourvues de chauffage à la vapeur et d’appareils de ventilation.

Portieux au XXe siècle

Les choses vont s’accélérer. En 1900, la verrerie est en plein essor , c’est l’ère industrielle, les grandes découvertes, l’épopée coloniale.

Cette période sera la consécration pour la manufacture, qui verra sa croissance atteindre des sommets.

Un véritable chantier.

  • Portieux lance la construction de la Coopérative Ouvrière en 1900, qui fonctionnera pendant plus de 80 ans en employant plusieurs salariés.
  • Construction de l’Église juste en face de la coopérative.
  • Puis en 1905, construction de la pension des apprentis. Cette décision faisant suite à la dénonciation grandissante contre le travail des enfants et leur misérable condition. La pension abrite 100 enfants, de 13 à 15 ans.

La cristallerie emploie alors plus de 1000 personnes , dans une ville en quasi autarcie avec médecin, pharmacie, magasins, cités d’habitation pour 385 familles.

La cristallerie est un véritable Eldorado, vivant une époque florissante avec ses ouvriers venus de toutes les régions de France et de pays limitrophes, formant une internationale des savoir-faire.

Sur cette illustration de l’époque (ci-dessous), on s’aperçoit de l’envergure du site verrier. Les cités ouvrières sont nombreuses. La flèche rouge représente l’endroit par lequel le visiteur de 2019 pénètre dans le site verrier. Adrien Richard succède à Xavier Mougin comme directeur en 1905.

Les chiffres donnent le tournis.

Ce n’est pas moins de 40 000 pièces produites chaque mois en 1914 . Plus de 8000 références sont proposées.

Incroyable si l’on compare à certaines cristalleries actuelles, qui ne propose pas plus d’une centaine de références. Les deux guerres créent un contexte économique difficile, la verrerie de Portieux ne sera pas épargnée.

Un changement de cap ?

En 1948, la verrerie quitte le domaine artistique pour se consacrer à la verrerie mécanique. C’est un échec, une transition probablement impossible du fait de l’amour de ces artisans verriers pour leur métier. La cristallerie de Portieux restera dans la famille Mougin jusqu’en 1981...

Nous vous proposons de voir dans notre Ecomusée : l'outillage et les techniques de travail de nos verriers, des anciennes collection, des anciennes cartes postale, une vidéo (réalisée en 2008)  sur la fabrication d'un vase, visite via une vidéo sur nos ateliers de fabrication chaud et froid et une vidéo retraçant la vie du village et de l'usine des année 1950 à 2005.
Notre vendeuse sera à votre disposition lors de la visite pour vous donner le maximum d'informations.